Monday, November 07, 2016

PEUT-ON COMPRENDRE UN PAYS SANS COMPRENDRE SON RAPPORT AU SPORT ?

"Peut-on comprendre un pays sans comprendre son rapport au sport ?" Oui la question est ambitieuse, très ambitieuse même, et il y a a peu de chance que nous y apportions un réponse claire dans un post.

Mais tentons l'exercice avec un pays qui vit actuellement une mutation très intéressante. Il s'agit de l'Inde et, accessoirement, de ses 1,3 milliards d'habitants.

Le sport ultra-dominant en Inde est le cricket.

C'est lui qui capte l'attention, les budgets, les imaginaires sportifs du pays.

C'est sur lui que Nike mise quand en 2007 la marque veut attaquer le marché indien - voir le génial spot de l'époque, .

C'est lui aussi qui occupe les espaces publics des villes et sert de base à certains projets de villes privées - voir "Le cricket indien ou le symptôme de la fin des stades ?"

Bref en Inde le cricket est partout.

Sauf que le cricket a deux gros défauts : c'est un sport pratiqué à 99% par des hommes et - surtout - ce n'est pas un sport olympique. Et donc, en dehors du Commonwealth et de la petite dizaine de pays qui jouent au cricket, l'Inde n'existe pas. 

Et au derniers Jeux Olympiques de Rio, l'Inde a remporté ... 2 médailles (une d'argent et une de bronze). Et deux médailles remportées par des femmes... qui sont pourtant, dans la réalité quotidienne, largement exclues des pratiques sportives du pays. Il faut dire qu'entre les réalités économiques du sous-continent et le poids des deux religions dominantes du pays - l'hindouisme et l'islam qui ne ne sont pas connues pour valoriser l'émancipation des femmes - être une sportive en Inde n'est pas chose facile.

Une réalité qui fait un peu désordre quand, comme l'Inde, on s'imagine comme une grande puissance mondiale porteuse d'un nouveau soft power. Aujourd'hui, un pays ne peut réellement exister de façon positive dans les grands imaginaires mondiaux, s'il n'existe pas sur la planète sport. On peut en penser ce que l'on veut, c'est la réalité et l'histoire depuis cinquante ans de l'olympisme est là pour le rappeler. Le seul pays qui peut se passer des JO pour exister, est le Brésil grâce au foot. 

Cette réalité du nouveau soft power mondial, les indiens l'ont bien compris.

Ca va impliquer pour eux une vraie révolution : se développer dans de nombreux autres sports que le cricket et ouvrir de façon beaucoup plus large la pratique sportive aux femmes. Le chemin va être long, très long même surtout pour les femmes.

Mais on peut faire confiance au capitalisme et à une marque comme Nike pour secouer le cocotier en essayant de valoriser l'activité sportive... et plus particulièrement l'activité sportive des femmes.

Preuve en est, le dernier spot Da Da Ding de Nike, , dans lequel ce sont des femmes qui occupent la rue... et plus les stars du cricket comme il y a dix ans.


Alors oui, bien sur, il ne s'agit que d'une pub Nike et il serait idiot de faire de ce spot la preuve d'une mutation sportive du pays.

Mais ça serait oublier deux choses :
- d'abord, le poids énorme de Nike dans les mutations sportives de ces trente dernières années dans le monde - voir "Nike 1976 and 35 years later in the world".
- ensuite, ça serait ignorer le poids énorme qu'une marque comme Nike a dans les imaginaires indiens, voir ci-dessous. Pour beaucoup, Nike égale performance, réussite et performance.


Ce qui va se passer sur le plan sportif en Inde dans la décennie à venir va être une révolution énorme.

Ca va changer la place des femmes, ça va changer les imaginaires du pays, ça va changer les façons de penser les villes et leurs mobilités.

On en reparle beaucoup plus longuement lors du prochain Atelier Transit-City du vendredi 18 novembre organisé autour de la question "Et si le sport dévorait le monde ?"