Tuesday, October 07, 2014

ET SI L'US ARMY PRÉPARAIT LE TISSUS INDUSTRIEL SOUPLE ET NOMADE DU POST-FORDISM ?

Depuis 20 ans, la mondialisation ce sont deux choses : internet et le container.

Les containers ont changé la face du commerce et de la logistique.

Voir :
Container : the forgotten space 

Il sont, peut-être, en train de changer aussi la façon de concevoir des villes, des maisons et des usines.

Voir :
Package Home
The next 100%modular city
- Hong Kong entre container et Lego
- Imagine if Sydney ... if Manhattan

Les plus à la pointe sur ce sujet sont - une fois de plus - les militaires américains.


C'est eux qui, en mettant peu à peu la mobilité et la modularité au coeur de leurs réflexions stratégiques, proposent de nouvelles façons de concevoir des bases de vie, des aéroports, des prisons, des centres commerciaux, des hôtels et des micro-factories du futur.


Voir :
Sans usine fixe ?
- Lego, Brickarms et la Rapid Equiping Force
- Quand l'US Army invente la micro usine nomade du futur
Le camion comme usine du futur et son prolongement civil Mobifactory, l'usine nomade du futur ?
Quand les bateaux deviennent des ports

Ces réalités cela fait plusieurs années que j'en parle dans ce blog, mais il manquait jusque-là un ouvrage faisant la synthèse de ces mutations liées au container et aux nouvelles façons de penser le monde.

Aujourd'hui ce livre existe, il vient de sortir aux Etats-Unis sous le nom de "The Deadly Life of Logistics" et il est signé d'une jeune géographe de l'Université de Toronto spécialiste des questions militaires, Deborah CowenSon livre est absolument passionnant. 


Voila comment son éditeur - l'Université du Minnesota - le présente.
"In a world in which global trade is at risk, where warehouses and airports, shipping lanes and seaports try to guard against the likes of Al Qaeda and Somali pirates, and natural disaster can disrupt the flow of goods, even our “stuff” has a political life. The high stakes of logistics are not surprising, Deborah Cowen reveals, if we understand its genesis in war.
In The Deadly Life of Logistics, Cowen traces the art and science of logistics over the past sixty years, from the battlefield to the boardroom and back again. 

Focusing on choke points such as national borders, zones of piracy, blockades, and cities, she tracks contemporary efforts to keep goods circulating and brings to light the collective violence these efforts produce. She investigates how the old military art of logistics played a critical role in the making of the global economic order - not simply the globalization of production but the invention of the supply chain and the reorganization of national economies into transnational systems. While reshaping the world of production and distribution, logistics is also actively reconfiguring global maps of security and citizenship, a phenomenon Cowen charts through the rise of supply chain security, with its challenge to long-standing notions of state sovereignty and border management.
Though the object of corporate and governmental logistical efforts is commodity supply, "The Deadly Life of Logistics" demonstrates that they are deeply political - and, considered in the context of the long history of logistics, deeply indebted to the practice of war."

Moi j'ai voulu relier les analyses de Deborah Cowen à mes propres réflexions sur l'évolution des nouveaux modes de production industrielle dans un monde post-fordist et décentralisé - voir "Quand l'industrie automobile d'ère ..." - et sur le rôle possible des militaires dans cette évolution - .

Et je me suis posé la question de savoir si la nouvelle stratégie de développement de l'US Army autour de petites bases dite "nénuphar" ne pourrait pas préfigurer les micro-usines post fordistes du futur ?

Pour réfléchir sur la question, je vous propose des extraits d'un texte passionnant  titré "La Statégie des nénuphars" et signé David Vime, professeur d’anthropologie à l’American University à Washington DC.

« Tandis que diminue la collection de bases gigantesques de l’ère de la Guerre Froide, l’infrastructure des bases à l’étranger a éclaté en taille et en portée. Sans que la majorité des habitants des Etats-Unis ne le sachent, la création de bases sur toute la planète progresse, grâce à une nouvelle génération de bases que les militaires nomment « Lily pads » (« nénuphars »). 
Dans le monde entier, de Djibouti aux jungles du Honduras, des déserts de la Mauritanie aux petites Îles Cocos en Australie, le Pentagone cherche autant de « nénuphars » qu’il peut, dans autant de pays qu’il peut, le plus rapidement possible. (...)
(...) Les planificateurs militaires prévoient un futur d’interventions interminables à petite échelle dans lesquelles un grand nombre de bases, géographiquement dispersées, seront toujours préparées à un accès opérationnel instantané. (...)

(...) Autrement dit, les fonctionnaires du Pentagone rêvent d’une flexibilité presque illimitée, d’une capacité de réagir avec une rapidité remarquable devant des événements n’importe où dans le monde, et par conséquent quelque chose qui s’approche un peu d’un contrôle militaire total de la planète." (...)
Rapidité, souplesse, modularité, petites unités... difficile de ne pas faire un parallèle avec toutes les promesses post-fordistes d'un nouveau mode décentralisé  de production industrielle. On est complètement entre "Sans usine fixe ?" et "Quand l'industrie automobile change d'ère ..."